Histoire d’un petit ballon
vert…
par Dominique Bauer avec
les commentaires de Daniel (entre parenthèse !)
Chic demain ça
vole !
Tempête
de ciel bleu, un petit vent juste ce qu’il faut…
La chasse aux
équipiers commence :
Premier
contact
Demain : ok après dix
heures ça va ? Tu comprends ce soir je sors…
(Fin juin à 10 heures on a fini de
remballer le ballon depuis longtemps)
Deuxième
contact
Demain
je fais du vélo, de la plongée, du foot (activité organisée de longue date)
Et voila il aurait fallu
programmer …météo, météo vous avez dit météo ?
Troisième, quatrième contact… idem
La liste est
longue, les équipiers ça s’use surtout lorsqu’on s’en sert…
Finalement le
ballon reste au sec dans son sac et nous au lit…
Allez donc manipuler un
Jusqu’à présent
notre équipe de choc était toujours disponible il nous suffisait de faire lever
nos 2,3 ados (pas toujours facile à réveiller, ces bestioles là vivant
légèrement décalées par rapport aux horaires d’aéronautes dignes de ce nom mais
pas impossible non plus) et comme ils étaient plutôt bien rodés par quelques
nombreuses années de pratique, tout se passait bien. Mais las de se faire
rogner leurs grasses matinées et désirant ardemment découvrir d’autres lieux
ils ont quitté le nid pour des contrées plus ou moins montagneuses et plus ou
moins ensoleillées.
Depuis quelques
temps déjà un certain Pierre Pflumio nous narguait avec son ballon rangé dans
sa deuche et son équipage réduit au strict minimum (un pilote, un passager).
Bien sur, il était
différent (le ballon surtout).
Sa nacelle n’avait
rien de commun avec la notre : un peu de tissu tendu sur un cadre alu, des
bouteilles pendouillant dehors, pas de cadre de charge…
Mais une enveloppe
pas tellement différente et surtout ce
ballon faisait les mêmes vols que nous mais naviguait dans la catégorie des
poids plumes moins de
L’idée fait son
chemin : notre prochain ballon sera léger ou ne sera pas ; notre
décision est prise.
Reste à résoudre
un dernier détail : où trouver cette merveille ?
Le ballon de nos
rêves ne figure sur le catalogue d’aucun des constructeurs, il y a bien un
américain qui vend ce genre d’engin en kit mais bon, pas vraiment bon marché
(l’euro n’avait pas encore réussi son travail de sape).
Entre temps Denis
Declerck est devenu l’élève de Daniel.
Pour montrer sa
détermination à devenir pilote il avait tout simplement construit avec Sylvaine
–et Laure (Là, Dominique exagère, Laure était encore au berceau !)- sa montgolfière.
Comme Denis est un
garçon généreux, il n’imaginait pas voler sans partager : il avait donc
construit un 3000 : super résistant du bel ouvrage digne d’un alsacien
(d’adoption il est vrai) avec nacelle osier et cuir, et une enveloppe dont les
coutures impeccables n’avait rien à envier à celles cousues par des couturières
professionnelles.
A ce stade là nous
étions encore loin d’imaginer construire nous même notre ballon.
Nous avions tous
les deux quelques notions de couture :
Pour
Daniel la machine à coudre était un « truc » qui sert à coudre
et pour moi un engin mettant très
rapidement ma patience pourtant légendaire à rude épreuve.
Bref des
conditions parfaites pour ne pas entreprendre la couture d’un ballon !
Et pourtant…
Petit à petit nous
nous sommes rendus à l’évidence : pour pouvoir voler léger il va falloir
mettre la main à la pâte. Et nous avons commencé à regarder différemment les
différents ballons de notre entourage.
Puis il y eu un
stage dans un lieu totalement inhospitalier glacial et inconfortable dans le
coin de Metz ; Doncourt ça s’appelait.
(En Alsace on n’attend rien de bon de ces régions situées plus au
nord : s’kommt nix’s güt’s von de stei herunter (rien de bon ne descend le
col –de Saverne-) (Et dire que Denis dans son compte-rendu a peur de vexer
les lorrains ! En fait cet antagonisme entre les alsaciens et les lorrains
existe depuis le XVIème siècle, où un Duc de Lorraine a franchi le col pour
mâter une révolte des « rustauds » et massacrer 25 000 paysans à
Saverne (chiffre énorme pour l’époque).
Il y avait là,
réunis pour un petit WE quelques personnes désireuses de connaître leurs
limites : comment résister au froid, à l’oxyde de carbone, etc.
Mes souvenirs de
cette réunion sont finalement assez flous : une machine à coudre, quelques
échantillons de cuir pour nacelle, un atelier de vannerie, un book épais, une
nacelle démontable, un cours en bonne et
due forme sur les tissus, des rudiments de législations, un dortoir plutôt
malodorant (C’est vrai que le confort de ce stage, était plus que précaire
et « rustique »), des
petits rongeurs dans les plinthes, des ronfleurs dans des lits superposés et
aussi sur des tables-lits, des participants de tous le coins de France (ou
presque) avec expérience ou totalement néophytes, et quelques uns dont nous
faisions partis qui avaient un projet bien défini de construction.
Déterminés à nous
donner les moyens de réussir notre challenge, nous avons commencé à nous réunir
régulièrement avec les quelques fêlés de notre secteur pour peaufiner notre
projet.
Le volume de notre
ballon étant déterminé par notre désir de légèreté 1600m3 (Euh !
Plutôt
Pour la petite
histoire, il devait d’abord y avoir un seul ballon (le nôtre) mais très
rapidement Anne-Marie Bonzini, de sa petite voix, nous a annoncé qu’elle
souhaitait construire aussi et Denis, passé maître dans le maniement de la
machine à coudre et de celui du ciseau électrique faut-il le rappeler, a réussi
à convaincre Sylvaine qu’il ne fallait pas laisser passer une si belle occasion
de mettre à profit leur savoir faire.
Nous nous mettons
très rapidement en relation avec Portier fabricant dont la charmante Agnès
Thomassin nous avait vanté les mérites (Au stage de Doncourt). Sans tarder celui-ci nous fait parvenir
des échantillons de tissus : pour les couleurs nous avions l’embarras du
choix : rouge ou blanc. Les crayons rouges quittent les boîtes et déjà les
premières enveloppes prennent formes du moins sur feuilles blanches : on
hésite damiers, rayures horizontales ou longitudinales, soupape blanche…Mais au
fait, ce tissu est destiné à des parachutes est-il compatible avec notre projet
de ballon à air chaud ?
Différents tests
sont menés :
Nos échantillons
de tissus passe d’abord quelques heures en étuve -grâce à François- (100h pour
le premier et 200h pour le deuxième) puis subissent un test de porosité et un
test de déchirure (chez un constructeur local lorrain).
Les résultats sont
concluants : ce tissus se comporte fort bien : il semble parfaitement
convenir pour l’usage auquel nous le destinons.
Reste un petit
détail que nous souhaitons éclaircir : comment se comporte-t-il à la
flamme ? Un soir lors de l’une de nos réunions nous y mettons le feu sur
le balcon des Kormann et à notre grande consternation il brûle joliment comme
un vulgaire bout de papier. Nous décidons aussitôt de mettre le feu à un
véritable tissu de ballon (récupéré sur un vieux ballon américain réformé) et à
notre grande satisfaction (Etonnement je dirai plutôt, en 15 ans de
pilotage et après avoir acheté 3 ballons neufs, je n’avais jamais pratiqué ce
test !) celui-ci brûle
exactement de la même façon. Ouf ! Tous les tissus de ballons brûlent… Ce
jour là nous décidons néanmoins de mettre une grande hauteur de nomex sur le
bas, on ne sait jamais !
L’hiver passe,
arrive le printemps, les quantités de tissus sont déterminées et contact est
pris avec la société Portier pour finaliser la commande : nous convenons
avec eux de leur faire part de nos constatations par rapport à l’évolution des
caractéristiques du tissu. Il est décidé qu’un panneau du parachute sera
décousu après 100h ou après un an et qu’un certain nombre de tests seront
pratiqués (porosité, résistance à la déchirure)
La commande
accompagnée de son chèque part.
(En fait mon interlocuteur dans cette négociation, a eu la lubie, tout d’un coup, de demander à son service juridique une lettre de couverture, à nous faire signer pour l’utilisation que nous voulions faire du tissu.
Que n’avait il pas fait ! Les juristes (dans un scénario à l’américaine) ont dressé un tableau apocalyptique, se sont fait peur et exit notre commande d’environ 10 000€ (il vaut évidemment mieux donner du travail aux ouvriers japonais qu’aux français !).
Pensant qu’il y a
un risque à fournir à des particulier du tissu pour aéronef ! Quel
risque ?
Plus de
tissus, plus de découpe ! Tout ce
travail sur les qualités de cette étoffe rouge pour rien ! Le moral en
prend un coup !
Dommage, nous
étions si bien partis ; d’autant plus que Denis nous avait fait rêver avec
sa maquette. Galbée à point il faut le souligner !
Nous voilà presque
résignés à tout recommencer lorsqu’au beau milieu de vacances de Pâques, Denis
nous appelle pour nous dire qu’il a chez
lui deux échantillons de tissus qui pourraient peut-être convenir pour notre
ballon, l’un est rose, l’autre vert. Ces
deux coloris nous emballent moyennement : nous voulions un ballon rouge
mais allons voir quand même.
Sur la fenêtre de
l’appartement rue st Maurice le rose est vraiment très rose, mais le vert bien
que très vert n’est pas aussi vilain que nous le craignions… Nous le trouvons
magnifique lorsque Denis nous donne son prix : 1.5 euros le ml.
Les patrons sont faits le 1er
mai (un jeudi) et la découpe les 3 et 4.
D’abord il faut tracer les
patrons Là, on
vérifie notre travail
Nous avons trouvé
un magnifique local à Hautepierre (locaux d’ANS Informatique) avec un grand
nombre de salles de belle taille et des tables juxtaposables offrant un plan de
travail confortable.
Denis recalcule
les patrons pour que nos ballons soient bien galbés (Ah, il a fait
causer ce galbe, tout le temps de la construction Denis a été obsédé par lui,
de crainte de reproduire la même erreur que sur son premier ballon où il
estimait que le galbe avait été « raté »)…
Le samedi commence
la découpe proprement dite, un noyau dur de 5 à 7 personnes est là en
permanence
2
déroulent le tissu
1
maintient le bout du rouleau
1
découpe
2
plient et rangent le tissu dans des sacs (sacs poubelles blancs de Lidl)
marqués au nom des ballons et numérotés
Denis explique la manœuvre Le tissu est déroulé
en autant de couches que nécessaire, on vérifie que le patron recouvre bien toutes
les couches, on soude et on découpe
Chaque panneau est
étiqueté (toujours au même endroit) en haut et en bas à gauche.
Les étiquettes
collées
Denis découpe
Sylvaine colle les
étiquettes
Tout est plié le
dimanche soir, le futur ballon n’occupe
pas beaucoup de place dans le coffre de notre voiture.
Il s’agit
maintenant de nous attaquer à la couture : il ne nous manque que la
machine.
Le 8 mai, nous
nous rendons en Allemagne à Karlsruhe chez un fabricant de manteaux qui vend
d’occasion des machines double aiguille (On a profité du jour de congé,
que naturellement les Allemands ne pratiquent pas J !) Sur place nous sommes quelque peu surpris
par la taille de la bête ; elle rentre tout juste dans le scénic et encore
avons-nous du démonter quelques parties de la machine. Nous ne sommes pas au
bout de nos peines : cet engin pèse une tonne et nous souffrons beaucoup
pour le monter au 1er étage chez nous. Quelques aménagements
électriques doivent encore être entrepris afin de rendre notre acquisition
opérationnelle.
La semaine
suivante les premiers essais de couture peuvent commencer, la double couture
rabattue n’est pas évidente à réaliser surtout pour les néophytes que nous
sommes, mais grâce aux conseils de Denis et Sylvaine nous y arrivons tant bien
que mal.
Après une dizaine
de jours d’essais plus ou moins heureux nous décidons de coudre « pour de
vrai ». C’est moi qui m’y colle en premier et là catastrophe : déjà
un décalage de quelques cm au milieu de la première ligne droite. Aussitôt nous
téléphonons à notre hot line « Declerck & co » Sylvaine nous
conseille de tirer sur le tissu pour minimiser le décalage, manœuvre que je
tente immédiatement : le remède est pire que le mal : le système de
régulation électronique de notre machine refuse d’être contraint ; pour se
venger il fait des tout petits points, pour un peu on croirait un travail de
piquage. Retour à la case départ, dans notre grande sagesse nous décidons d’ignorer
le décalage que nous qualifions de léger et continuons la couture maintenant
chacun à notre tour.
Ça, c’est le but final
(DAO François K.) Que
de travail encore, avant d’y arriver !
D’autant plus
qu’au détour des coutures d’autres obstacles surgissent : une machine ça
ne coopère pas toujours comme on veut. Changer, charger les cannettes, régler la machine pour que le
nœud soit à la bonne place… tout s’apprend… à condition d’être patient. Mais
avons-nous vraiment le choix ?
Les conseils
donnés lors du stage sont judicieux : se faire la main sur le bas du
ballon est indispensable.
Finalement nous
prenons de l’assurance et de la vitesse ; bien que les panneaux soient de
plus en plus longs, nous cousons de plus en plus vite -et décousons tout aussi
bien- ! Pour bien avancer il faut –du moins pour les couturiers débutants-
accepter de découdre souvent, ce qui demande une technique certaine et toujours
beaucoup de patience (je sais je me répète mais la patience est un élément
indispensable dans cette aventure). Nous découvrons que coudre quelques
dizaines de mètres chaque soir dé stresse ! Si, si !
Très souvent nous
nous inquiétons de la qualité de nos coutures : le tissus très léger ne
laisse passer aucune erreur : lorsque la double couture rabattue n’est pas
parfaite nous le voyons tout de suite par transparence et quelque fois nous
décousons.
Le ballon est
presque fini quand commence la canicule (Celle de 2003 !), la fameuse !
Impossible de
coudre dans ces conditions, le tissu même super léger tient chaud.
Il faudra attendre
le mois de février pour que nous nous décidions à reprendre notre travail, sans
doute un effet pré-printemps (Nous étions aussi entrain de vendre notre
ancien ballon, et si nous voulions voler…il fallait terminer !). Le ballon est fini en quelque
jours : ne manquaient que les sangles et le parachute.
Pour la couture
des sangles François nous a fabriqué un guide en plastique que Daniel a placé
sous le guide de couture.
Tiens, il lui arrive aussi
de travailler ! Le guide de sangle fixé en dessous du guide
pour le tissu.
Le fameux dérouleur
Pour la couture de
toutes les sangles verticales nous n’avons pas de dérouleur de sangle, quelle
erreur ! Il faut sans cesse surveiller la sangle, elle a tendance à
s’enrouler.
Denis, qui termine
aussi son ballon nous parle du bonheur de coudre les sangles ; nous ne
devons pas parler de la même chose ou alors il y a un truc.
Après avoir
décousu une nième fois, nous décidons de fabriquer un dérouleur de fortune avec
deux volettes à pâtisserie montées sur
un axe fabriqué avec un vieux fusil (à affûter les couteaux).
Et tout change…
pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt? (En fait personne ne nous avait
parlé de ce dérouleur et je pensais naïvement que le guide suffirait à régler
les risques d’emmêlement et bien
non !)
Arrive le moment
tant attendu : la fermeture du ballon.
Un amas de tissus
tourné maintes et maintes fois dans tous les sens dans un espace réduit nous
met au défi : où est le début, où est le haut, le bas ? Facile à
trouver il suffit de suivre les sangles : YAKA ! Mais cette
manipulation théoriquement infaillible s’avère plutôt périlleuse : comment
être sûr qu’il n’y a pas de noeud ?
D’après Denis, il est arrivé qu’un constructeur amateur trop pressé
oublie de vérifier ce petit détail et se retrouve avec un ballon un peu
spécial. Découdre 20m de sangles…Un plaisir dont nous nous passerons ;
nous emmenons la toile qu’avec beaucoup
de peine nous réussissons à ranger dans le sac de notre 2600m3 dans un lieu
plus spacieux, et entreprenons de le
démêler.
Puis la magie peut
opérer : le ballon se ferme sans protester assez facilement même. Il
suffit de rajouter le tissu doublé de nomex en bas et de terminer le parachute.
Une broutille sauf que le parachute justement n’est pas conforme au trou qu’il
est sensé combler : il faut le retailler et le recoudre.
A ce stade nous
pensons être presque au bout de nos peines puisque hormis la pose des suspentes
l’enveloppe est finie.
Nous avions
simplement largement sous estimé le temps nécessaire à la réalisation de la
nacelle !
Nacelle qui fera l’objet
du prochain article…